Saturday, April 28, 2007

Chanteur désenchanté

Alain Moreau qui a jadis connu un certain succès dans des groupes de reprises dans le genre des Classels gagne maintenant sa vie en chantant dans les casinos et les foyers de vieux. Même si la plupart de ceux avec qui il a fait ses débuts se sont recyclés depuis longtemps dans d'autres sphères de l'économie, ce dernier persiste à chanter dans des événements où il agit plus comme un incitateur à la consommation d'alcool et au divertissement des personnes âgés somnolentes que comme un artiste qui s'exprime par son art. Un spectacle au casino lui permettra de rencontrer Marion, celle qui réveillera son coeur de tombeur sur le pilote automatique, même si elle est insensible à son charme. Cette jeune femme paumée s'est retrouvée dans cette région du centre de la France pour fuire une situation qui continue malgré tout de la hanter. Même si elle ne s'intéresse pas à lui, Alain persistera à lui faire la cour jusqu'à ce qu'il réalise que son charme d'antan n'a aucun effet sur celle qu'il veut vraiment. Même si cet échec affectera la santé de la bête de scène, il l'obligera à regarder la réalité en face et à reprendre possession de son existence quoiqu'en pense son entourage qui le maintient dans un état d'éternel adolescent incapable de s'occuper de lui-même.
Même s'il s'agit d'un film léger, Quand j'étais chanteur dresse un tableau fort sérieux sur le pouvoir que nous avons sur notre vie et comment l'obligation de ne pas déplaire à ceux qui disent vouloir notre bien peut maintenir dans l'immobilisme. Après avoir passé sa vie à chanter pour faire plaisir à des gens sans y prendre de plaisir, Alain Moreau décide de se réapproprier sa liberté et de faire un saut dans l'inconnu. Marion, même si elle beaucoup plus jeune subit le même sort. Elle fascine les hommes par sa beauté mais elle n'a que faire de leur amour car il ne l'aide en rien dans sa crise existentielle. Au lieu d'oublier son drame dans une histoire d'amour, elle choisit d'assumer la situation malgré l'incompréhension des hommes qui ne voit que sa beauté et sa disponibilité de divorcée et ne s'intéressent pas à ce qu'elle vit. Même s'ils tarderont à s'en rendre compte, Marion et Alain partagent tout deux cette soif d'émancipation du regard des autres qui finira par les unir.
Même si Depardieu n'est pas un grand chanteur, son interprétation de sympathique has been soucieux de son apparence est fort sympathique. Sans tomber dans la caricature, il a créé un personnage un peu désolant mais tellement près de la réalité que l'on a l'impression d'avoir souvent croisé ce kétaine qui porte des souliers pointus et se fait des mèches dans les cheveux pour plaire au public mais qui s'assume tellement qu'on ne peut pas rire de lui.
En plus d'être très agréable à regarder, ce film m'a aussi donné l'occasion de connaître Claude Celler, un autre chanteur des années 60 qui a charmé bien des filles et qui continue de le faire de façon encore plus lucrative depuis qu'il a rencontré les Elohims et qu'il s'est rebaptisé Raël. Ce passage montre à quel point tout est possible dans la vie pourvu qu'on soit capable de faire fi de la rationnalité de notre monde désenchanté et que l'on aille au bout de sa folie!

Thursday, April 26, 2007

Nashville

Même si je ne peux pas me considérer comme une grande connaisseuse de l'œuvre de Robert Altman j'ai été énormément attristée par sa disparition en novembre dernier. Ce réalisateur si prolifique semblait vouée à la vie éternelle tellement ses productions se succédaient sans ralentissement ni perte d'inventivité. Si la possibilité de nouvelles réalisations est maintenant nulle, Altman a laissé derrière lui une œuvre si grande et si riche que j'ai suffisamment de matériel pour oublier ma peine pendant encore plusieurs mois. Comme je n'ai pu assister à la rétrospective organisée par la Cinémathèque plus tôt cette année, j'ai décidé de me faire ma propre rétrospective-Altman que j'ai débuté par le visionnement de Nashville.
Ce film réalisé en 1975 se passe dans cette ville-phare de la musique country qui en est pleine campagne électorale. Le film repose avant tout sur les rencontres entre divers personnages qui vivent ou sont amenés à passer par Nashville que sur une histoire linéaire. Si certains sont là pour percer dans l'industrie, d'autres pour rencontrer des stars ou organiser la campagne électorale, tous se verront bientôt réunis par le grand spectacle tenu en l'honneur d'un des candidats aux élections qui tournera au drame.
Comme bien des films d'Altman, Nashville contient un casting aussi large qu'impressionnant même pour ceux qui se croient insensibles aux stars. A une brochette d'acteurs et d'actrices m'étant inconnues, Altman incorpore Geraldine Chaplin en reporter de la BBC, Shelley Duval (la maigrichonne Wendy du Shining de Kubrick) en groupie professionnelle de même que de courtes apparitions de stars tel qu'Elliot Gould et Julie Christie qui étaient réellement de passage par Nashville au moment du tournage. Ces caméos ajoutent beaucoup au côté happening et spontané de cette histoire musicale.
Comme l'histoire se passe dans la capitale du country, la musique y joue un rôle si fondamental qu'il est presque nécessaire d'avoir un minimum de sympathie pour ce type de musique sinon vous risquez de trouver le temps bien long. Nashville repose sur la multitude de trames dramatiques amenées par la quête de chaque personnage qui se superposent pour peu à peu se confondre au fil du film. Les dialogues incessants et décousus, les paroles de chansons et les messages de la campagne électorale s'entrecroisent et se superposent pour former une trame sonore qui peut parfois créer de la confusion mais qui enlève toute possibilité d'ennui. Une analyse sérieuse d'un certain Rick Altman de l'université de l'Iowa me confirme les 24 personnages de l'histoire correspondraient au 24 pistes des méthodes d'enregistrement de musique en studio. Ce film s'avère donc être un véritable exercice formel visant à donner une tridimensionnalité à la bande-son. Cette pratique est perturbante car elle est tout le contraire de la méthode hollywoodienne qui a nous habitué à n'entendre qu'un personnage à la fois.
La réalisation Altman est si fluide et naturelle qu'on oublie à quel point l'orchestration de tous ces minis-événements n'a rien de simple. Altman a un sens si aigu des détails qu'un seul visionnement s'avère insuffisamment pour apprécier toute la richesse de sa mise en scène. Au lieu de piger dans le répertoire country déjà existant, Altman a créer de toutes pièces un répertoire de chansons souvent écrites par les acteurs eux-mêmes qui ressemblent à bien des hits préexistants mais qui collent mieux au côté pince-sans-rire du film.
Sans en faire un document touristique sur la ville, le film de Altman a aussi le mérite de nous faire découvrir de plus près l'institution du Grand Ole Opry de même que les chants Gospel de la communauté noire de cet état du sud des États-Unis pas trop réputée pour son ouverture d'esprit. La rencontre de ces deux genres musicaux clôt le film sur une note particulièrement optimiste malgré la gravité des événements.Sans chercher à trouver une interprétation à ce film qui n'a pas besoin d'analyse pour s'imposer, Altman montre par ce film que l'art est le meilleur moyen de rendre hommage à la complexité de la vie et qu’il est possible de créer de la beauté même avec les situations politiques exaspérantes. Comme les choses ne se sont pas vraiment améliorés depuis ce temps, ce film demeure un excellent antidote au négativisme causé par la politique américaine actuelle qui redonne envie de croire au potentiel de notre voisin du sud.

Tuesday, April 17, 2007

La bonne nouvelle

Si vous lisez ces lignes et êtes en mesure de me dire quelle est la signification d'un rêve se déroulant dans un all you can eat de chou bouilli avec Ricky Lane, vous êtes priés de m'informer sinon j'espère vous avoir permis d'oublier un instant le mauvais temps de même que cette horrible tragédie survenue en Virginie hier.
Il est de plus difficile d'être un imbécile heureux dans ce bas-monde mais on dirait que mon subconscient trouve en ce moment toutes les façons de me divertir pendant mon sommeil et de me faire garder le sourire toute la journée. Mes visions sont si incongrues et précises que je me réveille plusieurs fois par nuit pour reprendre contact avec la normalité avant de retourner dans le chaos de ces histoires hallucinantes orchestrées par une partie de mon cerveau qui ne se repose jamais. Même si ces multiples réveils font de moi une loque qui somnole le jour, je me trouve bien chanceuse d'avoir un sommeil si divertissant qu'il n'a absolument rien à envier aux comédies qui passent à la tété qui seraient censées me remonter le moral et qui font exactement le contraire.
Dans ce monde d'inégalités et d'injustices, le rêve demeure un concept démocratique à la portée de tous ceux qui peuvent encore s'offrir le loisir de dormir. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est la meilleure nouvelle que je pouvais vous annoncer aujourd'hui!

Thursday, April 12, 2007

Un avant-goût de l'enfer

Même si je ne m'attendais à un feel good movie sur les rapports humains-animaux, je dois admettre que le documentaire Animal Love de Ulrich Seidl a donné un sérieux coup à ma vision déjà pas très reluisante de l'humanité. Même si le titre peut faire référence à la sexualité bestiale, rassurez-vous ce film ne contient aucune scène graphiquement condamnable, mais il est quand même une expérience cinématographique éprouvante que la plupart des gens interromprait avant la fin. Comme l'expérience Dogdays était toujours fraîche dans ma mémoire quand j'ai pris la décision de louer ce film, j'ai assumé mon choix jusqu'à la fin même si certaines scènes étaient à la limite du supportable.
Dans un style très direct et sans fioritures, le film est axé sur des individus qui vivent en compagnie d'animaux avec qui ils vivent des relations si intimes que l'on se sent vite voyeur et de trop. Même si on a vu de nombreuses fois dans notre vie des propriétaires de chiens discuter avec leur protégé, cette vision devient vite perturbante lorsqu'on comprend que l'animal est traité comme une possession qui comble une carence affective importante et aide à tempérer les diverses frustrations de la vie. Même si l'on ne sait très peu de choses de ces gens, l'environnement dans lequel ils vivent a tout pour indiqué qu'ils ne sont pas exactement équilibrés et que le sort est à envier. L'un d'eux qui dit avoir été trouvé bébé dans une décharge publique. Ce dernier mendie en compagnie d'un petit lapin qu'il utilise pour gagner la sympathie des gens qui aiment les animaux. Si ce n'est d'un couple d'échangistes maigrichons et impudiques, les autres n'entretiennent pas de relation affective et sont hantés par le départ d'un autre qui les a blessé et semblent avoir trouvé en leur animal de compagnie une façon d'avoir de l'affection et de la compréhension. Ce choix n'est pas mauvais en soi, mais quand on voit la piètre condition de leur environnement et de leur santé, on ne peut pas s'empêcher d'y voir la détresse de l'homme moderne qui n'est plus capable de s'occuper de lui-même et qui fait vivre cette situation à un animal.
Même si le réalisateur clame que son film ne se veut pas critique sociale, il est difficile de pas conclure devant ces scènes désolantes qu'il ne tente pas de nous montrer que quelque chose ne tourne pas rond dans notre civilisation qui semble donner plus d'attention aux animaux qu'aux hommes. Même si le film a toutes les apparences d'un documentaire, il est plutôt un fin alliage d'acteurs non professionnels et d'un réalisateur qui sait les mettre si à l'aise avec la caméra que le malaise du spectateur est inévitable. Il est étonnant que des gens aient accepté de se donner à un point où l'on se demande s'ils ont conscience de la présence d'une caméra ou s'ils sont conscients tout court.
Même si le film est loin d'être parfait, Seidl démontre qu'il est un fin-observateur et surtout un habile metteur-en-scène. Il parvient à mettre en scène l'intimité de des gens pour qui la vie semble s'être figée dans le malheur et l'isolement. La présence des animaux permet à ces personnes d'extérioriser leur malheur et nous oblige à nous questionner sérieusement sur l'état actuel de notre belle condition humaine.
Même avec la plus grande ouverture d'esprit du monde Animal Love est une expérience perturbante qui m'amènera à prendre plus au sérieux Herzog. Sa citation sur la pochette du DVD dit qu'il n'avait eu de sa vie une vision aussi directe de l'enfer. Je peux confirmer qu'il ne s'agit pas d'une autre exagération Herzogienne!

Friday, April 06, 2007

Sainte nuit

Le retour de la neige donne plus l'impression d'être en plein congé de Noël plutôt qu'au dernier weekend du carême des catholiques qui a débuté en même temps que la campagne électorale mais qui a eu beaucoup moins de couverture médiatique...
En ma qualité d'autiste déconnectée de la réalité qui essaie de se soigner, j'ai un peu hésité avant de louer Ma nuit chez Maud de Rohmer croyant que ce film me ferait replonger dans la nostalgie d'une période que je n'ai pas connue pour me rendre encore plus décalée de mon temps. Eh ben, imaginez-nous vous donc qu'en plus de me faire passer un plus qu'agréable moment de prise de tête hygiénique, Rohmer a réussi à rendre une réflexion sur l'engagement amoureux et la religion aussi intéressante qu'actuelle en cette période de congé pascal qui m'a fait sentir un peu plus près de ces gens qui pleurent la mort de leur sauveur. Même si le catholiscime a perdu bien des plumes depuis le temps, son influence se fait encore sentir dans notre société séculière. La preuve, beaucoup d'entre-nous se retrouvent en congé aujourd'hui pour souligner la crucifixion d'un type nommé Jésus Christ.
Jean-Louis incarné par Jean-Louis Trintignant travaille pour la compagnie Michelin qui vient de le muter dans son usine de Clermont-Ferrant où il ne connaît personne. Habitué à la vie de solitaire, il se distrait en faisant des mathématiques et en relisant Pascal sans manquer de fréquenter la messe car évidemment il est catholique pratiquant. Le film s'ouvrant sur un sermon de prêtre m'a donné l'impression de m'être trompée de dvd tellement il m'était impossible d'envisager qu'un réalisateur aussi français que Rohmer puisse faire de la religion une partie aussi intégrante que fondamentale d'un conte moral axé sur un jeune homme aussi séduisant et dans le vent que Jean-Louis Trintignant.
Le côté solennel de l'assemblée ne l'empêchera pas d'avoir un coup de foudre pour Françoise, une jolie ouaille qui étudie la biologie. Un changement à sa trajectoire habituelle fera qu'il tombera sur Vidal, un ancien collègue de lycée qui habite les environs. Ensemble ils parleront de Pascal afin de reprendre contact et redéfinir leurs croyances respectives. Comme ils se trouvent tous deux seuls pour la période de Noël, Vidal lui présentera Maud, une séduisant jeune divorcée qui a tout pour plaire à Jean-Louis mais qui ne parviendra pas à lui faire oublier la belle blonde croisée à la messe. Contraint de passer la nuit chez elle, Jean-Louis succombera aux charmes de la brillante aguicheuse pour en sortir encore plus lucide quant au sérieux de son désir d'union avec Françoise.
Cette nuit qui sera sa dernière nuit d'homme célibataire sans attaches débouchera sur une union fidèle à ses principes catholiques qu'il a suffisamment outre passés dans son ancienne vie. Même si le film ne se veut pas un pamphlet catholique, Rohmer lui redonne ses lettres de noblesse en le représentant avec un homme aussi brillant et articulé que Jean-Louis. Ce qui est selon moi un tour de force, considérant toutes les absurdités que ce dogme religieux comporte.
Ma nuit chez Maud montre bien qu'un réalisateur talentueux peut rendre n'importe quel sujet intéressant. Ce film riche en réflexions et en délicieuses prises de têtes a bien aéré mon esprit un peu blasé par la platitude de ce lent début de printemps et m'a presque donné envie d'aller à la messe à la rencontre d'un catholique célibataire qui relit Pascal et s'adonne aux mathématqiues dans ses temps libres même si je crains fort que ce type de personne existe vraiment!