Tuesday, May 15, 2007

Banlieue rouge

Platform, le 2ième film du réalisateur chinois Jia Zhang Ke est tout le contraire des block buster à la Crouching Tiger, Hidden Dragon et autres histoires somptueuses d’impératrices sexy. Long terne et particulièrement pessimiste ce film n'a rien pour gagner le cœur des gens en quête de divertissement et d'évasion mais il n’en est pas moins un document émouvant même s'il donne un portrait peu reluisant de la Chine des années 80.

Pendant que l'Amérique connaissait les prémisses du mouvement punk et les débuts de l’effervescence des années 80, Cui Mingliang et ses compagnons de troupe présentaient un spectacle de chansons à la gloire de Mao et de ses innovation techniques même si la plupart d'entre eux n'avaient jamais encore vu un train de leur vie. Ils vivent dans une région aride et si reculée de la Chine qu'il est difficile de croire que le film commence en 1979.

C'est à cette période que les dirigeants chinois ont consenti à assouplir le régime implanté par Mao en permettant entre autres la privatisation de certains secteurs de l'économie de même que l'ouverture à la musique populaire à qui l’on attribue des effets apaisants. La troupe dans laquelle Cui Mingliang fait partie deviendra ainsi une entreprise privée ce qui lui permettra de renouveler son répertoire et de découvrir les possibilités cathartiques de la musique. Grâce à des chansons qui parlent d'amour et de liberté, Cui Mingliang parvient à extérioriser ses frustrations en donnant des performances un peu trop musclé pour le public et pour sa petitesse mais qui collent mieux à son existence que les chansons de propagande. L'aridité du territoire et le désintérêt du public les obligera à retourner dans leur petite ville où il poursuivra son existence d'attente et d'ennui.

Même si ce film possède des images d'une grande force et d'une étrangeté difficile à décrire, Platform est avant tout un film qui passe par la musique. Le titre provient d'une des chansons du film qui parle justement de la frustration causée par l'attente et de la désillusion résultant d'un régime contrôlant où l'individu est nié au profit du bon fonctionnement de la collectivité. Leur seule liberté semble être celle de se ruiner la santé en fumant sans arrêt en essayant d’envisager un avenir dans un régime à l'autorité sclérosante. Sans mettre toute l'emphase sur les absurdités et les atrocités du système, Jia Zhang Ke nous mets en face de des réalités nous étant inconcevables et nécessaires à la compréhension de la désolation ambiante. Pour vous donner une idée, par le biais d'une simple discussion entre filles nous apprendrons que les exécutions avaient encore lieu sur la place publique et que les couples non mariés devaient obligatoirement se rapporter à l'état sous peine d'être arrêtés.

Jia Zhang Ke tenait particulièrement à réaliser ce film qui s'échelonne sur 10 ans afin de montrer la lenteur des effets de l'assouplissement du régime sur cette région éloignée où il est né mais surtout à exposer à son père les frustrations qu'il lui a fait vivre en ne le comprenant pas. Même si son père n'a rien dit après avoir vu le film, Jia Zhang Ke a réussi magistralement à créer un film riche et éloquent où il arrive à exposer son histoire personnelle et cette partie de l'histoire de son pays qui a beaucoup changé depuis et surtout à rendre un superbe hommage à la musique cet antidote à l’ennui utilisé par tous les adolescents du monde.

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