Thursday, April 26, 2007

Nashville

Même si je ne peux pas me considérer comme une grande connaisseuse de l'œuvre de Robert Altman j'ai été énormément attristée par sa disparition en novembre dernier. Ce réalisateur si prolifique semblait vouée à la vie éternelle tellement ses productions se succédaient sans ralentissement ni perte d'inventivité. Si la possibilité de nouvelles réalisations est maintenant nulle, Altman a laissé derrière lui une œuvre si grande et si riche que j'ai suffisamment de matériel pour oublier ma peine pendant encore plusieurs mois. Comme je n'ai pu assister à la rétrospective organisée par la Cinémathèque plus tôt cette année, j'ai décidé de me faire ma propre rétrospective-Altman que j'ai débuté par le visionnement de Nashville.
Ce film réalisé en 1975 se passe dans cette ville-phare de la musique country qui en est pleine campagne électorale. Le film repose avant tout sur les rencontres entre divers personnages qui vivent ou sont amenés à passer par Nashville que sur une histoire linéaire. Si certains sont là pour percer dans l'industrie, d'autres pour rencontrer des stars ou organiser la campagne électorale, tous se verront bientôt réunis par le grand spectacle tenu en l'honneur d'un des candidats aux élections qui tournera au drame.
Comme bien des films d'Altman, Nashville contient un casting aussi large qu'impressionnant même pour ceux qui se croient insensibles aux stars. A une brochette d'acteurs et d'actrices m'étant inconnues, Altman incorpore Geraldine Chaplin en reporter de la BBC, Shelley Duval (la maigrichonne Wendy du Shining de Kubrick) en groupie professionnelle de même que de courtes apparitions de stars tel qu'Elliot Gould et Julie Christie qui étaient réellement de passage par Nashville au moment du tournage. Ces caméos ajoutent beaucoup au côté happening et spontané de cette histoire musicale.
Comme l'histoire se passe dans la capitale du country, la musique y joue un rôle si fondamental qu'il est presque nécessaire d'avoir un minimum de sympathie pour ce type de musique sinon vous risquez de trouver le temps bien long. Nashville repose sur la multitude de trames dramatiques amenées par la quête de chaque personnage qui se superposent pour peu à peu se confondre au fil du film. Les dialogues incessants et décousus, les paroles de chansons et les messages de la campagne électorale s'entrecroisent et se superposent pour former une trame sonore qui peut parfois créer de la confusion mais qui enlève toute possibilité d'ennui. Une analyse sérieuse d'un certain Rick Altman de l'université de l'Iowa me confirme les 24 personnages de l'histoire correspondraient au 24 pistes des méthodes d'enregistrement de musique en studio. Ce film s'avère donc être un véritable exercice formel visant à donner une tridimensionnalité à la bande-son. Cette pratique est perturbante car elle est tout le contraire de la méthode hollywoodienne qui a nous habitué à n'entendre qu'un personnage à la fois.
La réalisation Altman est si fluide et naturelle qu'on oublie à quel point l'orchestration de tous ces minis-événements n'a rien de simple. Altman a un sens si aigu des détails qu'un seul visionnement s'avère insuffisamment pour apprécier toute la richesse de sa mise en scène. Au lieu de piger dans le répertoire country déjà existant, Altman a créer de toutes pièces un répertoire de chansons souvent écrites par les acteurs eux-mêmes qui ressemblent à bien des hits préexistants mais qui collent mieux au côté pince-sans-rire du film.
Sans en faire un document touristique sur la ville, le film de Altman a aussi le mérite de nous faire découvrir de plus près l'institution du Grand Ole Opry de même que les chants Gospel de la communauté noire de cet état du sud des États-Unis pas trop réputée pour son ouverture d'esprit. La rencontre de ces deux genres musicaux clôt le film sur une note particulièrement optimiste malgré la gravité des événements.Sans chercher à trouver une interprétation à ce film qui n'a pas besoin d'analyse pour s'imposer, Altman montre par ce film que l'art est le meilleur moyen de rendre hommage à la complexité de la vie et qu’il est possible de créer de la beauté même avec les situations politiques exaspérantes. Comme les choses ne se sont pas vraiment améliorés depuis ce temps, ce film demeure un excellent antidote au négativisme causé par la politique américaine actuelle qui redonne envie de croire au potentiel de notre voisin du sud.

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