Friday, March 30, 2007

Chacun cherche son cochon.

Après un hiver long et discret en activités culturelles dans la Vieille Capitale, voilà que le soleil se décide à faire son retour en même temps qu'une multitudes activités culturelles intéressantes. Je ne vais quand même pas me plaindre qu'il se passe trop de choses, mais je crois qu'il est un peu dommage que le FIFA édition Québec et le Festival des 3 Amériques ait lieu le même weekend. Comme il faut choisir et qu'il est primordial pour moi de profiter un minimum du soleil, j'ai décidé de faire fi des possibilités et de me rendre à la projection du film Nos Vies privées de l'ex-critique de cinéma Denis Côté que je n'ai pu voir lors de la dernière édition de Rendez-vous du cinéma québecois dans la grosse méchante métropole.
Comme le cinéma est un élément central de mon existence et que je possède la fâcheuse manie de voir des coïncidences partout, je me permets de vous confier que j'ai eu dès le début de la projection l'impression d'être dans un territoire connu me ramenant à ma propre existence de perturbés qui tentent de semer ses problèmes dans les déplacements géographiques. Le film se déroule dans un village au très joliment commun nom de Ste-Mélanie autour d'un couple bulgare comme celui avec qui je viens de passer 2 semaines en Floride. Rassurez-vous car c'est ici que s'arrête la partie mystico-égocentrique de mon texte mais je ne pouvais m'empêcher de mentionner mes prédispositions quant à l'appréciation du film.
L'histoire n'a par contre rien à voir avec mes amis pas plus qu'il ne dresse un portrait de ce village que je n'ai jamais visité. Un homme qui vit en Bulgarie et une femme qui a émigré au Québec se retrouvent ensemble quelques mois après s'être rencontré dans un chat room. Ils vivront ensemble un idyle de courte durée qui fera bientôt place à une guerre froide où chacun affronte ses démons s'en parvenir à l'ouvrir à l'autre. La fusion amoureuse devient un alliage hétérogène formé par un homme et une femme qui doutent, qui questionnent leur existence et qui se perdent.
Malgré la mention du village de Ste-Mélanie, quelques allusions aux habitants de la belle province et une journée passée au festival du cochon de Ste-Perpétue, le film n'est pas spécifiquement québécois et pourrait se dérouler dans n'importe quel pays. Cet isolement dans les bois s'avère être un endroit idéal pour leur idylle, mais devient vite un endroit aliénant et claustrophobique malgré son immensité et sa pureté verdoyante. Ils n'entretiennent avec le monde extérieur qu'une relation pour s'étourdir en se saoulant ou en participant à une compétition d'attrapage de cochons où ils ne parviennent pas à créer de liens leur permettant de trouver un point d'ancrage autre que leurs démons intérieurs.
Après une première partie axée sur l'intimité du couple, le film prend un tournant sombre qui nous plonge à l'intérieur de la psyché des personnages que le spectateur ne pourra pas plus comprendre qu'ils ne peuvent se l'expliquer. Tous les éléments du film convergent pour créer une confusion qui n'est en rien causé par la langue des interprètes mais plutôt par les mystères insolubles de l'être humain qui eux ne connaissent pas de frontières malheureusement. Si Côté ne donne pas la clef à tout ce mystère, son film soulève d'intéressantes questions quant au couple, à l'attachement à la terre natale et à l'immigration à l'heure d'internet.
Si ce moyen a permis l'élaboration du film en reliant Coté avec les interprètes rencontrés en Bulgarie avec qui il a pu resté en contact pour l'élaboration du film, dans le cas des immigrants il ralentit souvent le processus d'intégration à la terre d'accueil qui n'a pas nécessairement envie d'accueillir de toute façon. Côté dit que l'expérience au festival du cochon n'a pas été des plus faciles même si l'interprète s'est bien amusé avec le cochon. Les mecs comiques en charge de l'animation se sont payés cheapement sa tête en le présentant comme un Russe qui est habitué de pogner des cochons. Même si l'événement doit regorger de curiosités et de freaks du cochon, Côté ne transforme en aucun moment son film en document ethnologique visant à démystifier l'événement, il ne l'utilise comme une toile de fond qui permettra au couple de mieux constater sa solitude et son étrangeté au monde qui les entoure.
Malgré son internationalisme, Nos vies privées n'a rien d'un film sur l'immigration ou la démystification des habitants de la Bulgarie. L'utilisation de la langue bulgare nous oblige à nous distancier du sujet et à nous sentir aussi étranger qu'eux ne sentent pas rapport à ce qui leur arrivent.
Si le film et cette histoire n'auraient pas existé sans les nouvelles possibilités technologiques, le traitement du film quant à lui ne témoigne pas d'un acharnement technologique ce qui nous permet aussi de prendre du recul par rapport à notre environnement boosté et multi-tâches pour mieux plonger à l'intérieur de la psyché humaine comme on plonge tout nu dans un lac en s'imaginant qu'il y a des monstres qui vont nous croquer les orteils. Cette sortie du monde moderne permet de mieux comprendre que peut importe où on ira nos perturbations personnelles suivront, ce à quoi nul billet d'avion ou séjour au grand-air ne pourra solutionner tant que l'on a pas trouvé notre bibitte personnelle.

1 Comments:

Blogger Clifford Brown said...

Intéressant ! Bien hâte que ce film soit à l'affiche ici. Côté est un étrange croisement entre Rodrigue Jean et Béla Tarr et mon seul regret à son sujet est qu'il ait cessé de nous illuminer chaque semaine avec ses critiques caustiques et l'heure juste cinématographique dans les pages du ICI...

5:20 PM  

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