Friday, November 03, 2006

Only human

L'Humanité de Bruno Dumont a beau avoir raflé 3 prix au festival de Cannes dont le jury était présidé par Cronenberg cette-année-là, il n'a pas pour autant connu beaucoup de succès mais il faut admettre que sans cette reconnaissance cannoise il n'aurait pas pu traverser l'océan pour se retrouver dans la section drame du superclub vidéotron où je me soigne ma cinéphilie carencée.
***
Pharaon De Winter est un inspecteur de police qui doit retrouver le coupable d'un horrible crime sexuel dont a été victime une jeune fille de la région dont on ne verra que le mont de vénus tuméfié dans la première scène du film. Pharaon vit avec sa mère dans une petite ville tranquille et morne du nord de la France et entretient une relation amicale avec sa Domino sa lubrique voisine qui n'a pas le visage aussi rigolo que son prénom et Joseph, son abruti de copain. Pour le reste, le film se concentre sur l'enquête que mène Pharaon jusqu'à ce que le coupable soit arrêté.

Pharaon est un homme extrêmement lent et étrange de par sa façon de parler et de regarder les choses. Il parle très peu et quand il le fait les mots sortent lentement pour former des phrases étouffées peu convaincantes. Tous les autres personnages sont aussi interprétés par des acteurs non professionnels, mais la prestation de l'inspecteur de police est de loin la plus troublante tellement il sonne faux.
L'humanité s'intéresse à des gens dont le quotidien est glauque, mais sans porter de jugement. Dumont filme des gens aux prises avec des problèmes dits sociaux sans pour autant faire un film revendicateur qui cherche à dénoncer les inégalités. Bruno nous ramène plutôt à l'essence de l'homme et à ses relations avec les autres. Il s'immisce dans l'intimité de ce couple en nous montrant leur réalité sexuelle sans porter de jugement et sans esthétiser. Ce n'est ni beau, ni laid, c'est comme ça tout simplement.
Pharaon personnifie notre regard de voyeur qui regarde la réalité et qui essaie de faire du sens dans tout ça. Dumont montre la vie telle qu'elle est sans fard, sans rebondissements, sans esthétisation des corps, ce qui nous donne l'occasion de faire le point sur nous-mêmes et ce que nous sommes devenus. La sexualité du couple nous ramène à notre part animal alors que Pharaon nous ramène à notre sensibilité et à la candeur de l'enfance.
Même si ce tableau bien cru de l'humanité n'a rien de rassurant, ce film est un déstabilisant essentiel à tout humain qui s'intéresse aux humains.

4 Comments:

Blogger benjamAnt said...

Content de voir que je ne suis pas le seul à avoir vu et apprécié... Chaque fois que je parle de ce film, personne ne l'a vu, ou pire, personne ne sait qu'il existe. Rares sont les clubs vidéo qui l'ont encore; j'ai d'ailleurs acheté ma copie, prévisionnée (vraiment? loué une, deux fois?), dans un club Vidéotron.

Certains disent que c'est long et qu'il ne se passe rien, et c'est exactement ce pourquoi j'ai aimé. Tu parles de "sonner faux"... Je te jure, la scène lorsqu'il chante et joue du clavier chez lui m'a complètement traumatisé. Troublant d'humanité.

9:48 AM  
Blogger Mongola Batteries said...

merci de me faire part de tes commentaires et de me rappeler cette scène effectivement troublante. J'aurais voulu faire un texte plus complet, mais je crois que ça va me prendre un bout de temps avant de vraiment digérer ce film.

C'est justement parce que c'est long et qu'il ne passe rien que ça permet de s'attarder aux détails de la vie et d'y réfléchir.

Genre de film que j'aimerais revoir de temps à autres. Je vais essayer de me le procurer.

As-tu pu voir 21 palms?

4:33 PM  
Blogger benjamAnt said...

Non, il ne m'est jamais tombé sous les yeux, mais j'avoue que je ne l'ai jamais cherché bien fort non plus. Évidemment, et en passant, c'est 29 Palms, pas 21 :o), les quelques rares échos que j'ai eu de ce film se résument en je dirais cinq mots : C'est de la merde!

Mais bon. Je ne suis pas du genre à me fier aux critiques, et j'aime bien me faire ma propre opinion. Évidemment, lorsque j'entends tout le monde dire "Il ne se passe riennnnnn dans ce film", je me dis qu'il y a de l'espoir, et que ça pourrait me plaire autant que L'Humanité.

Mais où se cachent donc les films de Bruno Dumont, ciboire??!? Son "Flandres", brand new cuvée 2006, mieux reçu que "Twentynine Palms", a été présenté au Festival de Toronto en septembre. Pas à Montréal, évidemment. Ramassons les miettes, comme toujours.

Espérons le voir bientôt à L'Excentris, au Parisien, au Paramount, ou qui sait, au mort ressuscité Cinéma du Parc. Mais je n'y compte pas trop. Lorsque les frileux distributeurs se décideront enfin à se mouiller, ce sera sans doute rendu le Cinéma Robert-Bourassa.

8:23 PM  
Blogger Clifford Brown said...

J'avais vu L'HUMANITÉ à Ex-Centris avec une douzaine de papys foulard au cou, et la moitié d'entre eux ont progressivement quitté la salle. J'ai tellement capoté que je me suis commandé le DVD d'Amazon.com un an avant qu'il ne soit distribué ici, juste pour pouvoir le prêter à mes amis.

Mon prof de cinéma (que je ne nommerai pas ici) de Laval, à l'époque, nous rabattait sans cesse les oreilles avec LA VIE DE JÉSUS. Quand je lui ai demandé s'il avait été voir L'HUMANITÉ, il a fait une face déstabilisée. Il ne savait pas de quoi il s'agissait, malgré une Palme d'Or controversée.

Pour m'éloigner : une autre de mes profs trippait sur les films de travestis et proclamait haut et fort qu'Almodovar était son réalisateur favori. Quand je lui ai demandé si elle était allée voir TOUT SUR MA MÈRE, elle a fait une face déstabilisée. Elle ne savait pas de quoi il s'agissait.

Ce fut une étrange année, où je me rendis compte que les profs de cinéma, malgré le fait qu'ils gagnaient leur vie avec leurs supposées connaissances, s'en crissaient plus que la moyenne. Et quand on sait ce sont eux qui éduquent nos futurs artisans, on se demande ce que ça va donner.

1:54 PM  

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