Saturday, January 06, 2007

Art thérapie

Pas besoin de s'appeler Sigmund Freud ou Doc Mailloux pour conclure que l'art occupe beaucoup de place dans ma vie et qu'il agit la plupart du temps plus comme un médicament anti-dépresseur que comme un façon de me désennuyer et de passer le temps.
Même si pour beaucoup de créateurs l'art est aussi un moyen d'apaiser leurs angoisses et de mieux vivre très peu vont en témoigner aussi directement que dans le film American Splendor réalisé par Shari Springer Berman et Robert Pulcini en 2003. Le pouvoir de la création est tellement central que l'on n'a pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que l'art a littéralement sauvé la vie de Harvey Pekar, créateur de la bande dessinée du même nom. Le film raconte par le biais de la bande dessinée, de la fiction et du documentaire, la vie de ce créateur paumé qui malgré une certaine reconnaissance n'a jamais pu vivre de son art. Commis aux archives d'un hôpital et collectionneur de comics et de disques de jazz, Harvey Pekar mène une existence morne où il se sent constamment victime d'un destin de misère auquel seule la mort mettra un terme. Sa malchance chronique deviendra l'objet central d'histoires qui seront illustrés dans un premier temps par Robert Crumb, le créateur de Fritz the cat. Ses tranches de vie de misère seront rassemblées sous le titre ironique de American Splendor. La popularité de la bd lui permettra d'acquérir une certaine réputation et même de devenir un invité régulier au show de David Letterman (jusqu'à ce qu'il envoie chier David), mais ne lui permettra pas de quitter son emploi de commis. Comme son milieu de travail lui inspire la plupart de ses histoire, on sent qu'il est mieux qu'il en soit ainsi.
Mon emballement est en train de vous raconter tout le film, mais cette description n'enlève rien à l'originalité de ce film. Le fait que le vrai Harvey Pekar soit partie intégrante du film, nous permet de réaliser à quel point l'art peut certes aider à mieux vivre mais qu'il n'aura pas pu guérir ce personne aigri, insécure et sarcastique pour qui la vie est un fardeau. La célébrité ne lui aura jamais fait perdre sa désillusion chronique et son amertume. Pekar est un vrai freak qui fait rire tout le monde malgré lui, mais personne ne semble vouloir voir qu'il ne joue pas un jeu et que sa misère est réelle. Le réalisateur témoigne d'un grand respect envers son sujet en le montrant tel qu'il est.
Ceci dit ce film m'a ramené directement à Daniel Johnston, autre créateur hyper prolofique qui compose des chansons touchantes et bouleversantes, mais qui a trop souvent été exploité pour ses écarts de comportement même s'ils étaient dus à de graves troubles mentaux. The Devil and Daniel Johnston signalait du même respect envers le personnage en plus de faire le même constat des limites du pouvoir thérapeuthique de l'art. Il m'a permis de voir que la création aide à vivre, mais que cette dernière fait souvent oublier l'être humain qui en est à l'origine.
Ce constat me réconcilie avec mon incapacité de faire quelque chose de toutes ces idées qui me trottent dans la tête et qui m'angoissent. Le fait d'aller au bout d'un projet m'aiderait durement à me sentir mieux, mais je dois arrêter de penser que ça mettrait un terme à mon angoisse d'exister et qu'il faut bien qu'il y ait des gens comme moi qui s'intéressent à ce que font les autres. Je me rassure en me disant que mon utilité pour le moment est de témoigner de ces bouffées d'air frais que me transmettent certains créateurs et de leur rendre hommage à ma manière.

2 Comments:

Blogger Mc BrutaLLL said...

merci de m'avoir rapeller l'existence de ce merveilleux film... J'ai presque le goût d'allé le louer maintenant!!!

Moi, en ce moment, c'est l'art qui me détruit la vie. J'ai le goût d'une vie sans art, de travail de 5 à 9 comme thérapie à mon art.

6:47 PM  
Blogger Clifford Brown said...

J'avais vu ce film en première à Comédia avec le drunk rocker. Nous étions partis du Concordia Hall après un film vu à Fantasia sur sa bicyclette, et c'est en chancelant qu'il nous avait mené sain & sauf au Cinéma du Parc, où nous étions arrivé juste à temps pour l'ouverture du rideau.

Pas mal, pas mal. Daniel Johnston ne devrait pas se faire attendre.

4:11 PM  

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